Non au projet irresponsable d’éoliennes inadaptées au Champ Bayon !
Je tiens à apporter mon soutien total à votre action de résistance au
projet d’implantation de parc éolien dans le massif du Champ Bayon, sur
les communes de Saint-Bonnet-des-Bruyères et de Saint-Igny de Vers.
Ce projet est, à mes yeux, absurde et criminel, dans le sens qu’il tend à
assassiner un site dont la beauté naturelle constitue une richesse et une
source de développement en Haut-Beaujolais.
Il est absurde parce que ses promoteurs s’acharnent à influencer les élus
locaux en dépit des rapports d’experts scientifiques qui déconseillent
l’implantation d’éoliennes de montagne à cet endroit.
Il est absurde, aussi, parce qu’il met en danger le réseau des sources qui fait
la fierté des habitants de Saint-Bonnet-des-Bruyères et garantit leur
indépendance par rapport à la distribution de l’eau globalisée. Il est évident
que les explosions nécessaires au creusement de fondations d’éoliennes de
180 mètres de haut ( !) vont bouleverser de manière irréversible l’équilibre
naturel sagement établi par les siècles.
Quand l’argent brille, ou quand des lobbyistes font teinter des perspectives
de profits à court terme, la sagesse a tendance à s’évaporer. Les éoliennes ne
sont pas partout adaptées à la montagne. La taille démesurée des tours
destinées au massif de Champ Bayon dépasse l’entendement. Est-ce la
preuve que le vent est trop faible à cet endroit et qu’il faut tendre les pales à
cette altitude dans l’espoir d’en capter un peu ? Certes, l’éolien industriel a
droit d’existence, mais là où souffle le vent. Personne ne dira le contraire. Il
n’est pas le bienvenu là où l’énergie recherchée, le vent, est trop aléatoire.
Imaginer le chantier dévastateur des voies d’accès au site, d’élévation de ces
anomalies métalliques et de raccordement au réseau électrique, dans un
cadre dont l’harmonie et le silence sont les garants du développement futur
de la région, provoque des cauchemars. C’est un peu comme scier la branche
sur laquelle on est assis… Et qu’en pensent les oiseaux et autres animaux
bénéficiaires de ce territoire ? On en arrive à se demander comment un tel
projet de destruction massive a seulement pu être inventé. Les industriels et
financiers qui le défendent appartiennent à un monde vieux et dépassé. Ce ne
sont pas trois éoliennes erratiques et nuisibles qui vont répondre à la juste
préoccupation de l’alternative au nucléaire. Commençons par réformer notre
consommation irréfléchie.
En revanche, dans la lutte quotidienne que nous devons tous mener,
ensemble pour prévoir d’urgence un autre développement, sensible et
durable, de notre planète, un territoire comme celui du Haut-Beaujolais
représente un excellent laboratoire de réflexions.
Il est grand temps que les habitants de ces hauteurs privilégiées
redeviennent les plus ardents défenseurs de leur beauté, de leur sérénité, de
leur potentiel d’attractivité. Un film récent, qui a fait le tour de la France,
portait le titre « Nos enfants nous accuseront ». Il clamait les ravages causés
par la perte de conscience de ceux qui se devaient d’être responsables de la
terre et des sols, de ceux qui se sont laissés intoxiquer par les arguments des
usuriers et des chimistes. Ce film recensait les malades en salles d’attente des
médecins, victimes d’un néo-féodalisme installé de force dans le monde
paysan. Ce qui se joue aujourd’hui dans le domaine du Champ Bayon est du
même ordre. Une intoxication par l’illusion de revenus financiers faciles,
comme les viticulteurs du Beaujolais de vigne l’ont connue à partir des
années 1960. Il est temps de s’opposer vigoureusement à ces manigances qui
n’incluent pas l’intérêt général dans leur cahier des charges. Il est temps que
les élus locaux se tournent vers le vrai potentiel de la région dont ils sont
responsables, la Nature, s’ils ne veulent pas un jour que les enfants les
accusent d’avoir bradé le plus important des patrimoines. Le Haut-Beaujolais
mérite de l’imagination et de l’exigence. Son développement viendra de
l’exploitation douce et durable de ses atouts : les forêts préservées et les
chemins, le circuit de l’eau, l’art et la présence de créateurs (ils sont cinq, rien
qu’à St Bonnet des Bruyères, tous importants), le patrimoine bâti, la force
culturelle, la gastronomie, l’accueil de publics sensibles, le calme qui, dans
très peu de temps, sera aussi recherché que l’eau. La modernité passera en
Haut-Beaujolais par un tourisme réfléchi et hospitalier, inventif et altruiste,
culturel et gourmand. Certainement pas par une transformation du massif de
Champ Bayon en parc d’attraction avec, à l’affiche, la plus haute éolienne
d’Europe, et l’idée de déplacer les foules, comme autrefois, pour contempler
la femme à barbe, la géante chauve ou autre monstruosité. Ce choix sera vite
dénoncé, car le souci de la Nature s’impose de plus en plus chez les jeunes.
Et, en cas d’échec envisageable de ces moulins à vent affligeants, a-t-on
vraiment dit aux élus concernés ce qu’il allait en coûter à la commune ? J’ai
peur que le défaut de non adaptation de ces engins aux lieux durablement
massacrés soit minimisé, ou dissimulé par les promoteurs habitués, eux, à
brasser de l’air et du vent.
En tant que fils du Beaujolais, résident en Beaujolais, travailleur en
Beaujolais, défenseur du développement en Beaujolais par la culture, j’espère
de tout coeur ne jamais voir s’élever ces tours infernales, de ne jamais vivre
ce désastre, de ne pas assister au triomphe décadent du business frelaté.
Jean-Yves Loude, écrivain, ethnologue,
auteur de « Ça coule de source » – Dictionnaire fluide et affectueux du Haut-
Beaujolais de l’eau (lien : Ça coule de sources)
23 juillet 2019